Maladies et ravageurs Le hêtre
Parfois présent dans les parcs et jardins, à l'honneur dans les forêts, le hêtre commun Fagus sylvatica résiste à un important cortège de pathologies et ravageurs.
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PORTRAIT DE L'ARBRE
Fagus sylvatica est une espèce indigène de l'Europe aux nombreuses appellations locales en France : fayard, fau, faou... Il est présent sur l'ensemble du territoire à l'exception du bassin aquitain et des plaines de la région méditerranéenne. La Normandie, la Picardie, la Lorraine, la Bourgogne et la Franche-Comté peuvent s'enorgueillir des plus belles forêts de hêtres. Cette essence représente 11 % du volume de bois de la forêt métropolitaine.
Le hêtre commun peut atteindre 30 m, voire 45 m en milieu forestier. Son tronc droit, fin et très élancé porte alors des branches redressées qui ne se développent qu'à partir de 15 ou 20 m de hauteur. En milieu ouvert, son architecture change considérablement : un fût court, un houppier large, des branches étalées. Et à lui tout seul, il peut couvrir une surface de 600 m². La longévité du hêtre est importante (150 à 300 ans) et sa croissance assez lente. Il possède généralement un enracinement assez superficiel et des contreforts racinaires proéminents (notamment quand il est vieux). Son écorce grise, lisse et mince, se fissure parfois légèrement. Ses feuilles ovales, aiguës et à bords ciliés ont la particularité d'être marcescentes pendant une partie de l'hiver. Ses fruits, les faines, sont enfermés par 3 ou 4 dans une cupule ligneuse hérissée d'épines molles et recourbées.
Essentiellement forestier, le hêtre est tout de même utilisé dans certaines régions en alignement le long des routes départementales (Aveyron, Tarn, Limousin...). Parfois, il se trouve en premier plan dans les parcs et les jardins en raison de son port majestueux ou de l'impact paysager de certaines variétés. Il en existe une quarantaine et parmi les plus célèbres : 'Purpurea' au feuillage pourpre, 'Asplenifolia' aux feuilles fortement découpées évoquant celles des fougères ou 'Tortuosa' au tronc et branches contournés.
SENSIBILITÉS ENVIRONNEMENTALES
Le hêtre vit en association sur ses racines avec différentes espèces de champignons mycorhiziens : lactaires, girolles, amanites, bolets... Il supporte particulièrement mal les tailles, ce qui limite son utilisation en milieu urbain ou dans les jardins. En plaine, cet arbre rejette mal de souche après avoir été coupé ; il y parvient facilement en zone montagneuse. Le hêtre est une espèce sciaphile qui affectionne l'ombre étant jeune puis qui se développe en pleine lumière. Attention aux « coups de soleil » : toute exposition brutale de son écorce au rayonnement solaire entraîne une importante nécrose de ses tissus corticaux. L'écorce brûlée se fracture, se décolle et certains champignons opportunistes, lignivores d'aubier, en profitent pour prendre place. Le schizophylle commun (Schizophyllum commune) par exemple dégrade progressivement le bois (pourriture blanche fibreuse). Même rustique, le hêtre peut être impacté, certaines années, par des gelées printanières tardives qui grillent les jeunes feuilles développées mais leurs conséquences restent généralement limitées. Il a besoin d'une grande quantité d'eau (pluviométrie annuelle supérieure à 750 mm) mais surtout bien répartie. Une pluviosité irrégulière sera compensée en montagne par une forte humidité atmosphérique. En situation de stress hydrique, une nécrose marginale envahit le pourtour des limbes foliaires.
Côté sol, le hêtre est plutôt très tolérant. Il vit bien dans une terre superficielle et caillouteuse ; par contre, il n'apprécie guère une terre compacte et hydromorphe, ou filtrante et asséchante. Il s'adapte à des pH très variés et tolère un sol riche en bases, mais il redoute une acidité excessive. La présence d'une litière forestière sous sa frondaison est très favorable à sa vie racinaire. Dans les parcs et les jardins, des paillages organiques de surface sont régulièrement épandus sous sa frondaison.
Fagus sylvatica est connu pour sa grande sensibilité aux sels, ce qui l'éloigne des régions côtières et rend sa vie difficile en milieu urbain et le long des routes lorsque des sels de déneigement sont épandus.
GRANDES AFFECTIONS PARASITAIRES
Le cortège des facteurs biotiques rencontrés sur le hêtre est important, mais aucune pathologie ni aucun ravageur ne menace aujourd'hui l'espèce. En revanche, des phénomènes de dépérissement complexe dans lesquels différents facteurs tant environnementaux que parasitaires agissent, peuvent ponctuellement et localement l'affecter. Ce fut le cas d'un important dépérissement du hêtre survenu dans les années 1970 dans les forêts normandes qui impliquait une cochenille (Cryptococcus fagisuga) et un champignon (Nectria coccinea). Et plus récemment - fin des années 1990 - l'apparition de la « maladie ardennaise du hêtre » initiée par un épisode de gel hivernal précoce suivi de la colonisation des arbres par des xylophages et des champignons lignivores.
Multiples affections des feuilles
En France, les acariens qui s'aventurent sur les feuilles sont des phytoptes cécidogènes. Le phytopte de l'érinose du hêtre (Eriophyes nervisequus fagineus) provoque entre les nervures au revers du feuillage une dense pilosité initialement claire qui rougit ensuite puis brunit en fin de saison. Les différentes espèces de phytoptes n'entraînent aucun dommage sur les arbres. L'acarien tétranyque Eotetranychus fagi provoque une décoloration progressive des limbes foliaires qui deviennent argentés. Il n'est présent qu'en Europe continentale (Allemagne, Belgique...).
Le puceron laineux (Phyllaphis fagi) s'installe en début de saison au revers des jeunes feuilles et se fait remarquer par ses sécrétions blanches pelucheuses. Certaines plantations récentes ou de la régénération naturelle peuvent connaître de fortes attaques. Du miellat s'écoule et de la fumagine se développe ; les feuilles se crispent puis se dessèchent parfois.
Il arrive qu'un insecte opophage, la cicadelle du hêtre (Fagocyba cruenta), ponctionne les contenus cellulaires et provoque une décoloration alors ponctiforme du feuillage.
Divers insectes cécidogènes sont responsables de galles aux formes architecturées. Les plus célèbres sont celles occasionnées par la cécidomyie des feuilles de hêtre (Mikiola fagi), en forme d'outre et de teinte verte à rouge. Même en nombre, ces protubérances n'affectent pas les arbres. De multiples chenilles défoliatrices polyphages défilent sur les feuilles : bombyx disparate (Lymantria dispar), bombyx cul doré (Euproctis similis), phalène du hêtre (Operophtera fagata)... Parfois, certains coléoptères convoitent le feuillage : la galéruque de l'aulne (Agelastica alni) et l'orcheste du hêtre (Orchestes fagi) responsable d'une nécrose qui part de la nervure principale en s'élargissant jusqu'à la périphérie du limbe. Plusieurs mineuses foliaires investissent aussi les feuilles : des microlépidoptères (Stigmella hemargyrella et Phyllonorycter maestingella). En période chaude, il est possible d'observer certains oïdiums (Phyllactinia guttata et Microsphaera alphitoides) sur les jeunes feuilles. Lors de printemps humides, l'anthracnose (Discula umbrinella) forme des nécroses anguleuses sombres sur les limbes foliaires.
Parasites et ravageurs des branches et du tronc
Sur les parties ligneuses, plusieurs espèces de Nectria peuvent se développer. Nectria ditissima, responsable du chancre du hêtre, génère des boursouflures et des gonflements irréguliers sur les jeunes troncs et les branches qui dépérissent parfois. Nectria coccinea prend place à la faveur des attaques de la cochenille des écorces du hêtre (Cryptococcus fagisuga). Lors de pullulations, l'insecte peut entièrement couvrir le tronc d'un feutrage blanc et favorise ainsi son installation. Des nécroses cambiales et des suintements noirâtres apparaissent et des décollements d'écorces ont lieu... La mort du sujet affecté est fréquente.
De nombreuses espèces d'insectes xylophages colonisent les hêtres affaiblis ou dépérissants : des scolytes, des buprestes ainsi que des longicornes. Certains creusent des galeries souscorticales, tel le petit scolyte du hêtre (Taphrorychus bicolor) alors que d'autres accèdent au bois profond.
Pathologies du collet et des racines
Dans la partie basse des troncs et sur les racines, des infections à Phytophthora sont possibles. Phytophthora cambivora génère des écoulements d'un noir goudronneux sur les écorces, associés parfois à des nécroses sous-corticales des tissus. Mais le dépérissement des hêtres touchés n'est pas systématique. Phytophthora ramorum récemment identifié en France sur la strate arbustive est susceptible d'affecter durement le hêtre ainsi que le chêne. Son développement dans nos régions pourrait avoir de redoutables conséquences sur ces essences.
Le développement du pourridié à armillaire (Armillaria mellea) est associé à un état de faiblesse de l'arbre ou à une modification brutale de son environnement. Le champignon se développe dans la zone sous-corticale des racines et entraîne le dépérissement rapide de son hôte (« cambial killer »).
Champignons lignivores actifs
Sur les végétaux morts sur pied, des fructifications de l'amadouvier officinal (Fomes fomentarius) surgissent fréquemment. Ce champignon lignivore présent parfois sur des vieux arbres bien vivants est responsable d'une pourriture blanche fibreuse du bois profond pouvant fragiliser les troncs contaminés. Le polypore soufré (Laetiporus sulfureus) provoque une active pourriture rouge cubique dans les troncs. Le phellin tacheté (Phellinus punctatus) s'installe à la faveur d'une plaie de taille ou d'un ancien chicot de branche et développe ses fructifications plaquées sur les écorces. Il déclenche une active pourriture blanche du bois. La pourriture alvéolaire engendrée par l'ustuline brûlée (Kretzschmaria deusta) est réputée très active et mal compartimentée dans les tissus. Des ruptures d'arbres sont possibles. Plusieurs espèces de ganodermes (Ganoderma adspersum, G. pfeifferi...) peuvent affecter les mâts racinaires et le collet des hêtres. Enfin, les touffes très volumineuses du polypore géant (Meripilus giganteus) s'installent spécifiquement sur les mâts racinaires des vieux arbres dont le champignon peut altérer la stabilité.
Pierre Aversenq
Les adultes de la cicadelle du hêtre (Fagocyba cruenta) de teinte jaune clair s'échappent énergiquement en sautant des feuilles colonisées.
Le puceron laineux (Phyllaphis fagi) se fait remarquer par ses sécrétions blanches pelucheuses.
Les galles occasionnées par la cécidomyie des feuilles de hêtre (Mikiola fagi) hébergent les asticots blancs et dodus de l'insecte. Même en nombre, ces protubérances n'affectent pas les arbres.
La galéruque de l'aulne (Agelastica alni) convoite le feuillage du hêtre.
De vieux sujets mis subitement « en lumière » après une éclaircie du peuplement ou l'abattage d'un arbre voisin peuvent rapidement dépérir à la suite d'échaudures.
Nectria ditissima génère des boursouflures et des gonflements irréguliers sur les jeunes troncs et les branches qui dépérissent parfois.
Phytophthora cambivora génère des écoulements d'un noir goudronneux sur les écorces.
Nectria coccinea provoque un grave dépérissement de l'arbre.
Le phellin tacheté développe ses fructifications plaquées sur les écorces, de teinte ochracée, difficiles à repérer.
Les fructifications de l'ustuline brûlée (Kretzschmaria deusta) apparaissent au collet des vieux hêtres, entre les contreforts racinaires.
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